Pourquoi et comment la remontée des taux d’intérêt a un impact sur le marché immobilier ?
Pourquoi cette remontée des taux : évolution du contexte sanitaire puis géopolitique.
Après un arrêt quasi-total de l’économie suite au premier confinement (printemps 2020), l’économie s’est peu à peu remise en route alors que deux autres périodes de confinement (automne 2020 et printemps 2021) allaient être moins pénalisantes en terme d’activité. Dans ce contexte, après plusieurs années de niveau historiquement bas, les taux d’intérêt ont amorcé leur remontée, en même temps que l’inflation faisait son grand retour : fort accroissement de la demande et de la consommation des ménages, accélération de la production, tension sur les matières premières dont le pétrole, premières tensions sur les prix et première résurgence de l’inflation.
Avant même l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les taux des marchés obligataires ont commencé à se tendre. A partir de février 2022, dans un contexte de guerre en Ukraine avec ses répercussions dans le monde et en particulier en Europe, la hausse des prix s’est accélérée, la remontée des taux également. Voir Tableau ci-dessous.
Remarque: les taux auxquels l’état français empruntent sont de bons indicateurs. Il serait effectivement beaucoup plus difficile de suivre en temps réel les conditions d’emprunt d’un même ménage.
La politique monétaire de la Banque Centrale Européenne a alors complètement changé pour devenir restrictive, l’une de ses principales missions étant de maintenir le niveau d’inflation de la zone Euro à 2%. Voir Tableau ci-dessous.
Evolution des taux depuis fin 2020
Taux | déc 2020 | fév 2022 | mai 2023 | Variation / déc 2020 |
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Tx directeur BCE (Banque Centrale Européenne) | 0,00% | 0,00% | 3,75% | hausse de 375 bp |
TEC 10 ans (Etat français ) | -0,31% | 0,63% | 2,81% | hausse de 312 bp |
TEC 30 ans (Etat français) | 0,35% | 1,18% | 3,25% | hausse de 290 bp |
Taux d’usure crédit immobilier 10-19 ans | 2,52% | 2,43% | 4,33% | hausse de 181 bp |
Taux d’usure crédit immobilier sup à 20 ans | 2,68% | 2,40% | 4,52% | hausse de 184 bp |
Simultanément, les taux d’usure (moyenne des taux de crédits immobiliers débloqués le trimestre précédent – le mois précédent depuis février 23- majorée d’un tiers) applicables aux prêts immobiliers ont également initié une forte remontée.
Pour mémoire, ce sont les TAEG (Taux Annuel Effectif Global, taux nominal majoré de l’assurance, et des frais divers) qui sont plafonnés par ces taux d’usure. Voir Tableau ci-dessus.
Pourquoi cette remontée des taux pèse-t-elle sur le marché immobilier ?
–elle diminue mécaniquement la capacité d’emprunt des acheteurs:
1% de remontée de taux , induit une contraction d’environ 10% de la capacité d’emprunt :
100 000 euro empruntés à un taux nominal (par soucis de simplification on ne parlera pas du TAEG) de 1% sur 20 ans représente une mensualité d’environ 460 euro,
100 000 euro empruntés à un taux nominal de 2% sur 20 ans représente une mensualité d’environ 505 euro,
45 euro de mensualité en plus, soit presque 10%.
A capacité de remboursement équivalente (au maximum 1/3 des revenus nets), le montant du capital emprunté doit donc diminuer d’autant.
–les banques sont plus réticentes à distribuer des crédits immobiliers:
Les banques commerciales n’ont aucun intérêt, dans la durée, à prêter à leurs clients au détriment de leurs marges. Or, dans un contexte de forte remontée des taux d’intérêt, les taux d’usure les obligent à rogner leurs marges. Jusqu’en février dernier, ces taux d’usure n’étaient actualisés que tous les trimestres (tous les mois depuis ), là ou les taux auxquels l’état français emprunte varient tous les jours. Quand les conditions auxquelles l’état français emprunte augmentent tous les jours, il est clair que rapidement les taux d’usure gelés pour un trimestre auront un temps de retard et se trouveront mécaniquement trop bas pour les banques, s’il elles veulent maintenir leurs marges ou ne pas trop les réduire. D’où la décision de réviser les taux de l’usure plus fréquemment depuis février dernier : révision mensuelle et non plus trimestrielle.
Rappelons que le taux auquel l’état français emprunte ne correspond pas à celui auquel les banques commerciales se refinancement : il est en général plus bas mais joue le rôle de valeur de référence. C’est un très bon indicateur de tendance. Le niveau des taux directeurs de la Banque Centrale est aussi très impactant sur les conditions de financement des banques.
La remontée de taux a donc un impact sur le marché immobilier : en diminuant la capacité d’emprunt des candidats acheteurs, soit arithmétiquement en augmentant le poids des mensualités, soit face aux banques qui doivent défendre leurs marges. Elle induit nécessairement une diminution du nombre de transactions, faute de financement suffisant. L’impact est d’autant plus marqué que la capacité d’emprunt est à l’origine faible. Ce sont les biens immobiliers les moins chers qui sont donc les plus touchés et les acheteurs ayant la plus petite capacité d’emprunt et/ou le plus faible apport personnel. L’adage « on ne prête qu’aux riches » revient au grand galop.
Pour conclure sur une note plus encourageante : la BCE confirme très fermement sa volonté de voir l’inflation en Europe revenir dans la zone des 2% d’ici 2025. Cela va très probablement induire une poursuite vigoureuse de la remontée de ses taux directeurs. Les taux d’intérêt à long terme aiment en général les politiques monétaires restrictives : ils anticipent alors la décrue à venir de l’inflation et peuvent alors, en amont, amorcer leur propre décrue.
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